Manuel Valls fait montre d’une détermination sans faille dans sa tentative de rénovation idéologique du Parti socialiste au pouvoir. Mais je crains fort que tant d’énergie déployée par le Premier ministre ne soit finalement mise en pure perte à contribution.
Pour se donner du coeur au ventre dans une conjoncture débilitante à tous points de vue, certains observateurs et non des moindres veulent donc voir en Manuel Valls une sorte de Tony Blair à la française. Hélas ! Hélas ! aurait soupiré, accablé, le Général...
Car en toute humilité, la comparaison avec Tony Blair réformateur du vieux Labour en lambeaux dans les habits neufs du New Labour, cette sorte de Bad Godesberg à la britannique, ne me semble en rien correspondre à la situation française contemporaine.
En effet, si je ne doute pas de la lucidité aux accents libéraux de Manuel Valls, bien seul dans cet exercice de haut vol, et donc de sa volonté de réformer notre pays, je ne doute pas non plus de son échec pour des raisons simples dont la plus déterminante est celle-ci :
“Blair a entrepris la modernisation de la gauche britannique lorsque le Parti travailliste était dans l’opposition (...) Cette modernisation a permis à Blair d’obtenir de l’électorat britannique la légitimité à mettre en oeuvre sa politique une fois élu. A l’inverse, Manuel Valls tente de mettre à jour le logiciel de la gauche française alors que le Parti socialiste est déjà au pouvoir. Dans l’opposition entre 2002 et 2012, dont six ans sous l’autorité de son premier secrétaire François Hollande, le Parti socialiste a préféré vivre dans l’ambiguïté, alors que la majorité des gauches social-démocrates en Europe entamait leur rénovation”* (souligné deux fois par votre serviteur).
La fronde des députés qui ne comprennent pas pourquoi Manuel Valls, contre tout bon sens socialiste solidement ancré dans leurs esprits calfeutrés, veut faire du “social-libéralisme” à outrance vient en droite ligne de cette paresseuse impréparation politique du temps jadis.
Ma thèse à moi serait plutôt de voir en Manuel Valls une sorte de Mikhaïl Gorbatchev français dont les intentions réformatrices, battues en brèche par un quarteron de députés fourvoyés dans une vision fossilisée de la réalité, arrivent au pire moment d’un quinquennat perdu.
Si, néanmoins, nous voulons éviter un sort comparable, toutes proportions gardées bien sûr, à celui que connut l’URSS malgré la Perestroïka et la Glasnost censées sauver le régime en état de mort clinique, nous allons devoir, en France, changer d’urgence de paradigme politique.
Ainsi, les Français doivent-ils saisir la chance qui se présente d’entrer enfin de plain-pied dans un monde auquel ils ne pourront pas éternellement résister sans le regretter amèrement un jour. L’heure est venue de regarder enfin l’avenir d’un oeil neuf, en un mot libéré.
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*Texte intégral (ici) de Sophie Pedder, chef du bureau de The Economist à Paris, dans le Figaro du 10/09/2014.
Librement !
Philippe S. Robert
02400 FRANCE
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