L’Etat stratège, vous connaissez ? En voici une définition lapidaire donnée par France Stratégie (ICI) qui est certainement l’organisme le mieux placé, au sein de la puissance publique, pour ouvrir la route de la servitude que nos gouvernants follement épris de progressisme (mais que pourtant nous avons élus) se font un devoir d’Etat de baliser toujours plus avant avec force commandements à la clef :
“Dans les années 1960, le Commissariat général du Plan est l’instrument de la modernisation technologique de l’économie française, exprimée par le lancement de grands projets industriels. A partir des années 1990, avec la fin des plans quinquennaux, l’institution doit se renouveler. Une réforme profonde de la planification a donc lieu avec la création le 6 mars 2006 du Centre d’analyse stratégique, institution d’expertise placée auprès du Premier ministre. Créé par le décret du 22 avril 2013, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, France Stratégie, lui a succédé, doté de missions élargies”.
L’Etat stratège, personnifié au 21ème siècle par France Stratégie, se manifeste donc en émettant un rapport de 416 pages :"Les métiers en 2022 (Prospective des métiers et des qualifications) (ICI). Mais il me paraît improbable, en un temps aussi court (sept ans à peine) que l’Etat stratège issu des Trente Glorieuses soit en capacité d’intellectualiser un monde nouveau désormais ouvert et véloce !
Selon France Stratégie, nous allons être rapidement confrontés à une population active plus âgée et qui continuera de croître à un rythme rapide (+1,2 millions d’actifs entre 2012 et 2022) qui devrait alors se voir proposer un nombre relativement élevé de postes à pourvoir, de l’ordre de 735.000 à 830.000 postes par an, dont environ 80%correspondraient à des départs en fin de carrière. Sauf que :
“Comme Joseph Schumpeter l’a noté, ceux qui vivent de la réflexion intellectuelle n’ont en général aucune expérience concrète du marché et aucune influence sur celui-ci : ils ne peuvent acquérir du pouvoir dans une société fondée sur le marché qu’en se situant sur le terrain du politique et des idées, et en tentant d’utiliser le politique et les idées pour juguler le marché, le contrôler, le soumettre, l’écraser. Les “intellectuels” se vivent, souvent, comme les descendants des clercs religieux qui avaient, autrefois, le pouvoir spirituel sur des sociétés entières et qui, parce que ces sociétés étaient des sociétés fermées, y détenaient, en fait, l’essentiel du pouvoir. Le passage à un fonctionnement de société ouverte, a montré Karl Popper, leur a fait perdre ce pouvoir. Une société où chacun est libre de choisir, de décider, de créer, est une société où nul n’a plus le pouvoir spirituel, tout au moins une société où il n’existe plus de pouvoir spirituel absolu”.*
Nombre de Français pensent que le marché du travail fonctionne en circuit fermé comme d’ailleurs Martine Aubry avait tenté, avec les 35 heures, d’en administrer la preuve. Ainsi, les 80% de départs en fin de carrière évoqués par France Stratégie, réduisant alors les créations nettes d’emploi à 115.000 et 212.000 (contre 735.000 et 830.000) selon le scénario envisagé me laissent-ils un goût amer dans la bouche !
Dans le même ordre d’idée à court terme (2012-2022), quels seront les 10 métiers les plus porteurs précisément à l’horizon 2022 ? Vous allez rire (jaune) : agent d’entretien; aide à domicile; enseignant; cadre des services administratifs, comptables et financiers; aide-soignant; vendeur; conducteur de véhicule; infirmier; employé administratif de la fonction publique; cadre commercial. La vie de château, quoi...
Ce n’est pas qu’il faille cracher sur tous ces métiers, fort honorables en soi et bien utiles, mais tout de même ce n’est pas non plus la Silicon Valley ! Or il faut élever le débat dès lors que c’est clairement de la révolution numérique que vont surgir, dans un très court délai, les métiers dont nous n’avons aujourd’hui pas idée mais qui, déjà, montrent le bout de leur nez : une rupture technologique sans égale qui va tout bouleverser.
“Nous vivons l’une des époques les plus révolutionnaires qu’ait connu l’humanité. Et il importe de l’expliquer (...) La révolution en cours change les façons de créer et de produire, d’entreprendre et de penser, de savoir et d’organiser sur la terre entière, d’une façon bien plus profonde, plus féconde, plus durable, et plus complexe que cela se dit souvent. Elle transforme le politique, l’économie, le statut de l’être humain, le vivant, la matière, les cultures, la connaissance et nos rapports à celle-ci, la conflictualité et l’harmonie (...) Elle implique un travail de réflexion complexe, divers, pluriel, hétérogène, qui commence à peine à se mener (...) Nous sommes à l’ère du très haut débit, de la réalité virtuelle, de la dématérialisation (...) Et il faudrait voir, bien sûr, que les dirigeants politiques trompent et se trompent lorsqu’ils croient ou font croire qu’ils ont davantage de pouvoir qu’ils n’en ont aujourd’hui en réalité : il faudrait voir que les dirigeants politiques contribuent à créer des malheurs inutiles lorsqu’ils n’anticipent pas et ne regardent pas l’évolution du monde en face”.*
Pour clore mon propos, je dirai que le rapport de France Stratégie me fait irrévocablement penser à ces modèles informatiques prétendument aptes, sur simple commande humaine, à prévoir à coup sûr l’avenir inconnaissable à l’instar des oracles du GIEC, cet organisme plus politiquement correct que réellement scientifique, prédisant ce que sera le climat à l’horizon 2100 tout en réduisant au silence les très nombreux scientifiques contestant, à bon droit, le catastrophisme officiel ambiant. Le monde, en effet, est à refaire.
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*Guy Millière :
“La Septième Dimension – Le nouveau visage du monde – Après la crise”
(L’à part de l’esprit, septembre 2009).
Librement !
Philippe S. Robert
02400 FRANCE