A la signature de M. Antoine Delarue, ancien responsable des études à la Direction de la Sécurité Sociale et chercheur associé à la Chaire transitions démographiques et transitions économiques, la fondation iFRAP vient de publier un article crânement intitulé : “Le potentiel d’innovation des points pour créer le système de retraites de demain” (texte intégral ICI).
La retraite par répartition imposée depuis 70 ans par l’Etat providence courant à la faillite, cette étude très documentée de M. Delarue (cinq pages d’une police serrée) veut convaincre le lecteur que le système de retraites de demain repose sur une innovation qui, selon moi, et malgré la haute idée que s'en fait son auteur, ne représente rien d’autre qu’une adaptation paramétrique de plus.
En effet, le problème existentiel posé par le système de retraites par répartition réside avant tout, me semble-t-il, dans son financement. Une fois cette difficulté majeure résolue, on peut alors s’adonner en toute tranquillité d’esprit à rechercher la meilleure façon de faire fonctionner harmonieusement un système de retraites délivré d’une épée de Damoclès fatale à terme.
Aujourd’hui, les retraites sont financées à fonds perdus par le travail; mais comme cela n’y suffit pas, l’Etat providence se trouve dans l’obligation d’aller emprunter sur les marchés internationaux faisant alors que la dette visible atteint 97,5% du PIB et même 260% du PIB si l’on y ajoute les engagements hors bilan, soit une somme totale de 5.200 milliards d’euros !!
Le modèle proposé d’un système de retraites par points, dont la structure par répartition reste inchangée, serait-il alors la panacée susceptible de régler une fois pour toutes la question lancinante de son financement ? Pour le dire en termes imagés, un moteur peut-il tourner sans être alimenté du carburant nécessaire à son fonctionnement ? Poser la question c’est y répondre.
Pour justifier sa démonstration de la supériorité d’un régime de retraites par points adossé sur la répartition, donc à l’évidence condamné à terme, M. Antoine Delarue s’appuie sur la négociation qui vient d’avoir lieu entre les gestionnaires sociaux concernant le rééquilibrage des comptes de l’AGIRC et de l’ARRCO en voie accélérée d’insolvabilité :
“Cette négociation ouvre la voie, sans doute historique, à une modernisation en profondeur de notre système de retraite en s’appuyant sur le potentiel d’innovation du fonctionnement par points. Un système simple et lisible, par opposition à la complexité du fonctionnement de notre régime de base (CNAV) en annuités”. On est donc bien dans un simple exercice paramétrique.
Les retraites par répartition, y compris par points, étant condamnées dans la situation démographique, économique et fiscale dans laquelle se trouve durablement plongé notre pays, que se passerait-il si notre argent était “capitalisé”, c'est-à-dire placé sur un compte épargne retraite individuel ? Voici la réponse apportée par Jacques Garello dans son petit livre pédagogique* dédié à un système pérenne de retraites par capitalisation :
“Que se passerait-il si votre argent était “capitalisé” ? Il serait placé, et année après année, tout au long de votre période de cotisation, il rapporterait un intérêt, qui viendrait grossir votre apport. Votre capital sera ainsi accumulé au lieu d’être immédiatement dépensé (...) La répartition, c’est la rentabilité zéro, c’est une promesse de remboursement de plus en plus incertaine. La capitalisation c’est la rentabilité assurée, qui augmente sans arrêt, et qui sera d’autant plus élevée que le placement sera durable et fructueux”.
Beaucoup de gens pensent de bonne foi que se fier à la capitalisation présenterait un risque rédhibitoire, par exemple celui de tout perdre sous le coup d’une crise économique et financière locale ou même mondiale; sur toute une vie de cotisations (40 ans) pour une retraite par capitalisation, cette éventualité est impensable. Et puis, a-t-on jamais vu la terre s’arrêter de tourner ?
Il faut aussi savoir que, grâce à la capitalisation, le montant de la retraite versée le moment venu sera dans tous les cas de figure supérieur à ce que peut promettre la répartition et que, cerise sur le gâteau, la constitution d’une retraite par capitalisation bien ordonnée offre, in fine, la liberté de choisir sa date de départ selon des critères appartenant en propre au futur retraité.
Enfin, pour encourager la jeunesse à choisir la route de la liberté en matière de système de retraite par capitalisation, qu’elle sache que grâce à José Piñera** : “Lorsque les salariés savent qu’ils sont eux-mêmes propriétaires d’une partie du patrimoine du pays, et non à travers des hommes politiques ou un Politburo, ils sont d’autant plus attachés à l’économie de marché et à une société libre”. CQFD.
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* Jacques Garello : “Comment sauver vos retraites – Lettre ouverte aux retraités actuels et futurs” (aux éditions Libréchange, 2014).
** José Piñera est professeur d’économie diplômé de Harvard, ancien ministre du Travail et des Mines du Chili à qui ce pays (et désormais plus de 30 autres pays de par le monde) doit sa transition du modèle par répartition au modèle de compte personnel ou capitalisation. Le professeur Piñera préside le Centre International pour la Réforme des Pensions qui conseille les pays désireux de réformer.
Librement !
Philippe S. Robert
FRANCE